Plateformisation de l'économie : quels impacts pour l'expérience de la marque ?

Plateformisation de l'économie

Le premier petit- déjeuner conférence organisé par la chaire Expérience Client de l’EM Strasbourg a permis de réunir Christophe Benavent, professeur de gestion à l’Université Paris Nanterre, auteur de « Plateformes, sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux », publié chez Fyp éditions, et Guillaume Despré, Head of Digital, Data Management & CRM au Crédit Mutuel, partenaire de la Chaire Expérience Client de l’EM Strasbourg. L’occasion d’évoquer la plateformisation de l’économie et ses conséquences sur l’expérience délivrée par les marques

 

 

Qu’est-ce que la plateformisation de l'économie ?

La plateformisation de l’économie correspond à l’émergence d’interfaces dans les rapports entre consommateurs et entreprises, explique Guillaume Despré. D’une part, on assiste depuis plusieurs années à l’émergence de plateformes géantes, comme les sites de streaming ou encore de réservations de vacances, pour ne citer que ces domaines ; des plateformes qui prennent une large part du marché et de la valeur créée. D’autre part, le changement majeur auquel on assiste est le fait que de nombreuses marques deviennent à leur tour elles-mêmes des plateformes. De son côté, Christophe Benavent constate une évolution globale des économies qui tendent vers le « tout à la demande » (« On Demand »). Ainsi, des entreprises se créent, qui se spécialisent dans le rôle d'interfaçage qui connecte et met en contact, afin de créer de la valeur. C’est le cas de l’application Airbnb, qui met en lien clients et propriétaires de logements, mais qui, contrairement à l’hôtellerie classique, n’est pas propriétaire des biens proposés et ne dispose pas de personnel attitré ; le principe de ces plateformes étant d’externaliser les services et de coordonner les activités.

 

 

Puisque la plateforme se situe entre la marque et le client, quel est l’impact pour les enseignes dans ce nouveau paysage ?

Guillaume Despré explique qu’historiquement « pour définir ce qu’était une marque, on créait un nom, un logo, une charte graphique, puis l’enseigne diffusait par le biais de la publicité ». Aujourd'hui, les gens consomment de moins en moins les médias traditionnels. La marque elle-même s'exprime davantage sur une plateforme qu'à travers ses propres normes graphiques.

Une perte de pouvoir des marques que confirme Christophe Benavent, qui estime que les marques n’ont plus, ou peu, de contact direct avec leurs clients. On assiste clairement à une accélération de l’intermédiation, et à une réduction nette des interactions entre marque et consommateur. Parallèlement, on constate que beaucoup de ces marchés sont devenus freemium, notamment les applications, qui sont très souvent gratuites ; « le consommateur a cette exigence de la gratuité ». Une nouvelle hiérarchie s’est également mise en place avec les réseaux sociaux, qui engendrent beaucoup d’inégalités : il est plus facile pour de grandes plateformes d’être visibles que pour de « simples marques ». Il en va de même pour les échelles de marché, qui ont aussi considérablement évolué au cours des dernières années. À titre comparatif, La Redoute, géant de la vente par correspondance dans les années 80, comptait 7 millions de clients. Aujourd’hui, Rakuten en a 1,3 milliard, et Facebook frôle les 3 milliards. L’effet de « gouvernementalité » est présent aussi : les marques n’ont plus le temps de communiquer. Elles cherchent à agir directement sur le comportement du client. On est vraiment dans une société où le On Demand est omniprésent ; plus que jamais, le temps, c’est de l’argent.

 

 

Qu’en est-il de l’impact écologique de la plateformisation ?

Selon Guillaume Despré, si l’on peut considérer que la plateformisation a des répercussions sur le plan écologique, il faut toutefois reconnaître que ces effets sont liés plus globalement à la digitalisation. Si Internet était un pays, il figurerait parmi les plus grands pollueurs, juste derrière la Chine et les États-Unis. Les créateurs de plateformes ont un rôle important à jouer, en les paramétrant de sorte à réduire l’impact écologique. Les GAFA ont d’ailleurs pris des engagements en ce sens, témoignant d’une forte sensibilisation à la cause écologique.

 

 

Que peuvent faire les marques pour aborder cette nouvelle architecture de marché ?

Si les plateformes ne se substituent pas aux marques, elles menacent leurs profits, précise Christophe Benavent. Pour survivre, les enseignes doivent occuper l’espace, trouver le moyen d’être en lien avec leurs clients et de dialoguer avec eux. Mais à l’heure d’une nouvelle mutation des formes d’organisation des entreprises et où tous nos objets sont en train de devenir des interfaces à part entière, la seule façon de se battre contre les plateformes… c'est d'en faire ! Les grands groupes industriels s’associent d’ailleurs déjà pour créer une grande plateforme européenne.

Guillaume Despré le confirme : il n’est plus possible de lutter contre les grosses plateformes. La question qui subsiste pour les marques est de savoir comment s’y intégrer au mieux. Et malgré l’évolution actuelle, bien que le digital ait pris une place énorme dans le quotidien de chacun, les marques auraient tort de négliger le contact humain. Les clients sont en demande d’un retour à la proximité physique et au concret. Si la plateformisation est un espace à conquérir, il convient de préserver le réseau de distribution physique.

 
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